L'AMPN et le CESMM collaborent avec le GEM à Monaco

Les comptages de mérous et de corbs rentrent dans le cadre des activités que l’Association Monégasque pour la Préservation de la Nature a relancées depuis 2015. Il est envisagé en particulier de réaliser des suivis des différentes espèces de poissons, dans la réserve du Larvotto et à la périphérie, pour apprécier l’efficacité de la réserve. Le suivi des mérous et des corbs est bien évidemment pris en compte. Une partie des activités menées se fait avec l’aide des plongeurs locaux, notamment ceux de l’AMPN et du Club d'Exploration Sous-Marine de Monaco.2017 06 CESMM AMPN GEM

Pour les mérous et les corbs, un comptage a été réalisé en juin dans la réserve du Larvotto et en juillet 2017 entre le Musée et le Solarium. Dans la réserve du Larvotto, une quarantaine de mérous et plus de 50 corbs ont été observés. Entre le Musée et le Solarium, plus d’une centaine de mérous et une trentaine de corbs ont été observés.  Pour les mérous, la taille allait de 10 à 120 cm de longueur totale, pour une taille moyenne de 62 cm. Il convient de noter le nombre assez élevé de mérous de plus de 1 m de longueur totale et la présence de mérous de moins de 20 cm. Plusieurs mérous mâles de grande taille (110 ou 120 cm) étaient en livrée caractéristique des mâles dominants (dos argenté) et plusieurs invitations de mâles poursuivant des femelles ont été observées.

Le recours à des plongeurs locaux, encadrés par des membres du GEM, permet d’obtenir des résultats très intéressants sur l’état de la population de mérous dans les eaux de la Principauté de Monaco. Cela permet d’envisager notamment un suivi régulier des populations de mérous, particulièrement important compte tenu de l’importance des travaux envisagés pour l’extension en mer. Il est donc envisagé durant l’été et l’automne 2017 de poursuivre ces comptages, en particulier sur les zones déjà prospectées. Des comptages similaires seront également mis en place dans d’autres secteurs, à proximité de la Principauté de Monaco : cantonnement de pêche de Beaulieu et de Roquebrune; digues des ports de Beaulieu, Saint Jean Cap Ferrat et Menton.

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Le mérou brun va-t-il encore changer de nom ?

Vous vous en souvenez peut-être, il y a une vingtaine d’années le mérou brun avait changé de nom. De Epinephelus guaza, il était devenu Epinephelus marginatus. Cette évolution avait été suggérée, et adoptée, pour des raisons de taxinomie (la science qui nomme les espèces). Pour simplifier, il s’agissait d’utiliser le nom le plus ancien donné avec justesse à un mérou (vrai) brun (et pas à une espèce qui lui ressemble).

La systématique est depuis cette période en perpétuelle évolution. L’identification d’une espèce ne se fait plus uniquement sur des critères anatomiques ou morphologiques, mais bénéficie maintenant des apports de la génétique. Il ne s’agit pas de renier complètement les apports de la morphologie ou de l’anatomie, mais de préciser, vérifier, les filiations, les liens entre espèces. Les mérous n’ont pas échappé pas à cette vérification.

Dans la dernière revue sur la phylogénie des mérous (Ma et al. 2016), notre E. marginatus ressort à côté des nombreuses espèces du genre Mycteroperca. Ce n’est pas une réelle surprise dans le monde des systématiciens car plusieurs études précédentes l’avaient montré. Cette fois-ci, compte tenu de l’importance de l’échantillonnage réalisé, cela devient assez évident. Même si les auteurs ne préconisent aucun changement de nom, ils prennent acte. Il est donc vraisemblable que le mérou brun (marginatus) soit plus proche du genre Mycteroperca que du genre Epinephelus. Il devrait donc maintenant s’appeler Mycteroperca marginatus.

Lors de la dernière réunion du groupe de spécialistes des mérous de l’IUCN (voir la nouvelle précédente), cela a été pris en compte. Le mérou brun n’est pas le seul à passer dans le genre Mycteroperca : le mérou dent de chien (M. caninus) et la badèche (M. costae) changent également de nom. Par contre, le mérou blanc (E. aeneus) reste dans le genre Epinephelus.

Les experts évaluent le risque d'extinction pour les mérous du monde

L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) est la plus grande et la plus ancienne union de conservation du monde; elle est composée de gouvernements nationaux et d'ONG. L’UICN est bien connue probablement par les Liste Rouges qu’elle publie régulièrement et qui donnent l'état de conservation de milliers d'espèces de plantes et d'animaux, après une évaluation par les experts des Groupes de Spécialistes (GS), sous couvert de la Commission de Survie des Espèces.

Le Groupe de Spécialistes Mérous et Labres regroupe la plupart des experts mondiaux de ces espèces écologiquement importantes. Il s'est réuni récemment (15-22/11/2016) dans l'île de Faial, aux Açores (Portugal), pour évaluer le statut des 164 espèces de ce groupe à l’échelle mondiale. Le GEM y était représenté par Patrice Francour, membre de ce GS et membre également de la Commission Espèces de l'UICN France.

 

Horta 2012 11 IUCN

 

Ce n'est que la deuxième fois en dix ans que ce GS se réunit après Hong Kong où en 2007 la plupart de ces espèces ont été évaluées globalement pour la première fois. L'atelier des Açores, appuyé par le personnel de l'UICN pour la diversité biologique et par un représentant de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), est essentiel car les réévaluations de la Liste Rouge doivent être effectuées au moins une fois tous les dix ans. En fait, c'est la première fois qu'un GS marin mène une telle réévaluation globale afin de déterminer les changements survenus sur une décennie.

La révision du statut de conservation des mérous est particulièrement importante en raison de la pression d'exploitation croissante qui pèse sur ce groupe de poissons majeurs en tant que ressources alimentaires ou sources de revenus pour le tourisme sous-marin dans de nombreux endroits à travers le monde. Peu de mérous semblent être surveillés régulièrement, peu sont gérés efficacement et beaucoup sont en déclin. En raison de leur longue durée de vie, de l’âge avancé de la première reproduction et de l’existence de fréquentes agrégations de géniteurs au moment de la reproduction, bon nombre de ces espèces sont particulièrement vulnérables à la surpêche et il est à craindre que leurs populations ne soient en déclin.

Trente-cinq experts de 13 pays se sont réunis aux Açores pour faire le point sur l'état actuel de ce groupe et identifier les espèces présentant un risque d'extinction à l'avenir, afin de favoriser la mise en place de pratiques plus durables. Les premières conclusions de cet atelier soulignent les inquiétudes grandissantes qui existent pour plusieurs espèces de mérous et, en particulier, celles fortement exploitées lors des agrégations de reproduction. Il a également été mis en exergue le besoin urgent de recueillir des données plus précises et plus fiables sur les pêcheries de mérous et de gérer beaucoup plus efficacement ces populations que ce qui est fait aujourd'hui si nous voulons qu’elles survivent demain.

L'atelier a été co-organisé par le GWSG, l’Institut de Recherche Marine (IMAR) de l'Université des Açores et le Centre de Sciences Marines et Environnementales (MARE) et a été généreusement financé par la Ocean Park Conservation Foundation (Hong Kong), le Bin Zayed Fund, l'Université de Hong Kong et le Gouvernement régional des Açores.

Qu’en est-il en Méditerranée et dans le proche Atlantique ?

En Méditerranée, le mérou brun, le mérou royal, la badèche sont les espèces les plus connues; dans le proche Atlantique, il s’agit du mérou blanc ou thiof. Importantes écologiquement comme prédateurs de haut niveau trophique, ces espèces sont aussi importantes économiquement pour la pêche (le thiof au Sénégal par exemple) ou pour l’économie liée au tourisme sous-marin (le mérou brun par exemple en Méditerranée). Le dernier atelier de la GWSG a considéré qu'au niveau mondial, le statut du mérou brun restait “en danger”, le niveau intermédiaire entre les espèces vulnérables et les espèces en danger critique d’extinction. De même, le statut global du mérou blanc a été évalué comme “presque menacé”, le niveau juste avant “vulnérable”. Toutefois, localement, le statut peut être différent, comme par exemple au Sénégal où le déclin des pêcheries de mérous blancs est spectaculaire et où l’espèce doit être considérée comme en danger. Les conclusions définitives du GWSG seront publiées courant 2017, mais en vue des prochaines réévaluations, un travail important de synthèse des connaissances, notamment en termes d’impact des pêcheries, devra être fait pour ces espèces de Méditerranée et du proche Atlantique.